Mag Lens-Liévin N°70

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Yohan Démont : « Je me suis enrichi des éducateurs croisés »

Près de 500 matches professionnels ! Yohan Démont a connu « une carrière plutôt satisfaisante », selon ses propres mots. Quand vous évoquez avec lui les trois clubs qu’il a connus, Beauvais, Ajaccio et Lens, il s’empresse d’ajouter Valenciennes où il a fait ses premières armes. Le défenseur a la région chevillée au corps, il ne s’en cache pas, à tel point que lorsqu’il a eu l’opportunité de signer au Racing, il n’a pas hésité une seconde. Avant de s’inscrire durablement dans le paysage sang et or, d’abord comme joueur, puis comme éducateur. Aujourd’hui Yohan Démont dirige la réserve lensoise avec toujours une même obsession : la transmission.

Vous avez connu peu de clubs, et vous avez été un joueur impliqué dans les équipes dans lesquelles vous avez évolué. Avec le recul, avez-vous quelques regrets ?

« Non ! J’aurais pu faire d’autres choix à des moments clés, et j’aurais fait une carrière différente, mais au final, je ne regrette rien. »

On retient notamment une belle histoire avec le Racing Club de Lens...

« Oui, j’ai prolongé à chaque fois, malgré d’autres opportunités. Mais je me sentais bien au club, dans ma région. Donc il y a tout ça qui fait que je suis très heureux d’avoir pu porter le maillot de Lens. Quand tu es jeune, tu es supporter, et pouvoir jouer à Bollaert, c’est l’aboutissement d’un rêve. Je suis plutôt fier de ce que j’ai fait et de ce que je fais. »

A Lens, vous avez été un joueur cadre, capitaine aussi. A 35 ans, quand Antoine Kombouaré vous dit qu’il ne compte plus sur vous, vous auriez pu partir, non ?

« Ça a été un choix du coach que je respecte. Derrière, j’ai quand même continué une saison pour encadrer la réserve avec Eric Sikora. C’est lui qui avait les rênes. J’ai passé de bons moments avec les plus jeunes. Et derrière, j’ai entrepris ma reconversion comme éducateur. »

C’est cette année de transition qui vous a donné envie de poursuivre sur cette voie ?

« Non, ça date de l’époque où j’étais au centre de formation à Beauvais. J’avais 17 ans. Le mercredi après-midi, comme on n’avait pas entraînement, j’étais sur le terrain avec les poussins, et je filais un coup de main. Le club m’a proposé de passer mes premiers diplômes, et ça m’a plu. A Ajaccio, j’ai eu l’opportunité à 25 ans de passer le BE1, et à Lens, quelques années plus tard, j’ai passé le BEF (Brevet d’entraîneur de football). »

Cette âme d’éducateur vous a-t-elle aidé pendant votre carrière à avoir des rapports privilégiés avec certains techniciens ?

« Plus j’avançais dans ma carrière, plus je préparais ma reconversion. J’ai toujours observé les entraîneurs que j’ai eus. J’avais un oeil attentif. Je me suis enrichi des éducateurs que j’ai croisés. J’ai eu de très bonnes relations avec tous mes coaches. J’étais pour beaucoup d’entre eux leur relais dans le vestiaire. Notamment mes dernières années à Lens, que ce soit Jean-Guy Wallemme, Francis Gillot ou Jean-Louis Garcia... »

Est-ce qu’il y a des entraîneurs qui vous ont marqué, avec lesquels vous êtes encore en relation ?

« Celui qui m’a marqué le plus dans son aura, c’est Rolland Courbis. Il a une façon de parler, tu l’écoutes ! Rolland, je l’ai eu en Corse, et je suis toujours en relation avec lui. Il a un fonctionnement différent de beaucoup de coaches, c’est sûr. C’est un charisme particulier. Par contre, il peut venir un quart d’heure dans le vestiaire avant un match, il transcende l’équipe. C’est un meneur d’hommes. »

Après cette année en CFA avec Eric Sikora, vous démarrez votre parcours d’éducateur avec les U11, c’est un choix ?

« En fait, quand je raccroche, je souhaite intégrer la formation au club. Je suis reçu par Jocelyn Blanchard (directeur sportif du Racing club de Lens à l’époque), qui veut me mettre avec les 17 Nationaux dès la première année. Mais passer de joueur à éducateur, ce n’est pas forcément évident, et je souhaitais m’imprégner de ce nouveau rôle, ne pas brûler les étapes, réfléchir aux programmations, et voir comment on fonctionne avec un groupe. Quand on sort d’une carrière professionnelle, on est des grands assistés, il ne faut se le cacher. J’ai fait une année avec les U11, puis deux années avec les U16, presque deux années comme adjoint en CFA avec Franck Haise, puis avant de prendre la tête de la réserve, je suis reparti en U17, car j’avais besoin de manager à nouveau. »

La formation, c’est quelque chose qui vous tient à cœur, emmener le joueur le plus loin possible...

« C’est ça le truc ! Des U16 aux U17, on sent une évolution. Il faut leur montrer, quand on est dans un centre de formation, qu’il n’y a pas de temps à perdre. Un jeune qui se dit qu’il a déjà le potentiel ou que ça ira mieux demain, non ! Il faut aller chercher beaucoup plus loin, sans cesse, et tout donner pour ne pas avoir de regrets. C’est un message fort qu’il faut intégrer, car le temps passe vite ! »

Justement, quel regard portez-vous sur ces jeunes générations ?

« Si je compare avec ma génération, ou même moi, mon bonheur, je le trouvais dans la rue avec un ballon à moitié déglingué. A la fin des années 80, on jouait tous au foot ! Du matin au soir. Aujourd’hui, les jeunes, c’est réseaux sociaux et smartphone. Dans un bus, ils ont tous un casque sur les oreilles, ils ne communiquent plus et ne partagent plus rien. Pour ma part, mon grand-père était mineur, je sais d’où je viens, et quand j’ai eu l’opportunité de venir jouer ici à Lens, ça a été une aubaine, je ne pouvais pas me louper dans l’investissement. »

C’est le discours que vous tenez aux joueurs pour leur expliquer la chance qu’ils ont ?

« Bien sûr ! Il faut qu’ils s’imprègnent de ça. Lens a un certain ADN. Dans les tribunes, il y a des supporters qui se privent pour venir au stade, pour s’abonner. Ça, en tant que joueur, on doit le ressentir et le respecter. J’ai beaucoup de monde autour de moi qui fait les trois-huit. Moi, je suis heureux de me retrouver tous les jours sur un terrain de football avec un ballon. J’ai eu plusieurs catégories, et je me vois à travers eux, je suis passé par là. Par contre, je fais en sorte de leur inculquer mon envie à leur âge. Quand je vois que certains ont du talent, mais font les choses à moitié ou manquent d’investissement, c’est là aussi où je prends plaisir à transmettre. »

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Propos recueillis par Jean-Baptiste Allouard – Lens, le 8 mars 2021