Mag Lens-Liévin N°46

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Le Petit Mag rend hommage à Daniel Leclercq. Valenciennes l'a vu naître au monde du football, Lens l'a hissé au sommet. Joueur brillant, entraîneur intransigeant, le « Grand » restera à jamais présent dans le cœur des supporters sang et or...

Le « Grand » sommeille

Les grands hommes et les grands champions sont exigeants. Daniel Leclercq l’était avec lui-même et avec ses joueurs. Au RC Lens où il a côtoyé les sommets ou au FC Bauvin, avec cette coupe des Flandres dans la vitrine de sa commune…

L’exigence fut sa marque de fabrique tant sur le terrain qu’accoudé au banc de touche. « Il n’a jamais rien lâché dans la vie » confie Gervais Martel. Jusqu’à ce maudit 22 novembre, emporté brutalement à 70 ans par une embolie qu’il n’a pas vu venir, encore moins repousser d’une transversale de quarante mètres dans la surface d’un adversaire qu’il ne « calculait » jamais. C’est vrai, Daniel Leclercq n’était pas du genre à passer des heures sur l’équipe d’en face. Il ne parlait jamais des autres. Jamais de lui. Seulement du jeu. Son ancien président et ami se souvient : « Daniel, c’était : on joue vers l’avant, on joue vite, on se démarque, on donne une solution au porteur ».

Il était le jeu

Le porteur en 1998, c’était Stéphane Ziani. Entouré de mecs de caractère comme le natif de Trith-Saint-Léger les aimaient : Wallemme, Foé, Warmuz, Drobjnak ou encore Sikora, présent évidemment samedi à Bollaert, une gerbe de fleurs sang et or dans les mains, devant un banc vide. Côté gauche.

Revenons au jeu qui habitait ce joueur brillant (plus de 350 matches en pro), cet entraîneur à poigne. C’est en faisant jouer que le Druide, guidé inlassablement par « son » 4/3/3, a offert au Racing et au peuple lensois leur unique titre de champion de France. Un soir de mai 1998, à Auxerre. C’était hier. Et hier encore, au coin d’un zinc, les plus anciens saluaient ce faiseur de miracles qui avait dédié ce titre de champion « aux gens de ma région ». L’index dirigé vers les tribunes de Bollaert investie en pleine nuit par 25 000 supporters. Avant de récidiver l’année suivante, avec la coupe de la Ligue en poche, aux dépends (encore) de Metz.

Il était comme cela, l’ancien tenancier d’un bar près de Nungesser et entraîneur bénévole de VA en D2. Immuablement tourné vers les autres. Il ne souriait pas souvent mais il aimait les gens. Et ses joueurs profondément. « C’était un personnage mythique. Son sourire était dissimulé dans son coeur » décrit Jimmy Adjovi-Boco. « Dur et bon à la fois ! » Comme Franz Beckenbauer, auquel Gervais Martel le comparaissait si souvent.

Intransigeant et imprévisible aussi le « Druide ». Sous le maillot marseillais (champion de France en 1971), puis sous la tunique sang et or (une finale de coupe de France perdue contre Saint-Etienne ou encore ce fameux match retour contre la Lazio), comme au cours d’une simple partie de pêche, ou à l’occasion de ces très nombreuses parties de cartes ou de tennis. Là aussi, il n’aimait pas perdre ! « Il était d’une mauvaise foi pas possible à la belote » se souvient même un carré d’amis.

Inimitable et inoubliable

Perfectionniste, toujours en quête d’absolu, combien de fois laissa-t-il place à la frustration ? Combien de fois, quitta-t-il des entraînements, des matches avant la fin, voire dès la mi-temps ? Avant de mieux revenir le lendemain (de victoire souvent…) et de claquer la bise à ses ouailles. « Tout cela, c’est l’histoire d’un grand mec, d’un monument de Lens » ajoute Martel, orphelin « d’un grand frère » et persuadé « que c’est une partie du Racing qui a foutu le camp avec lui l’autre vendredi ». A l’image de cet autre pan du club estampillé Leclercq-Debève à Wembley (1-0 face à l’Arsenal de Wenger) où jamais un club français ne s’était encore imposé…

Après avoir incarné une certaine réussite nordiste (n’oublions pas ses moments forts à Valenciennes, son autre club de coeur), Daniel Leclercq avait pris sa retraite en 2011 après un dernier bail à la Gaillette (en duo d’abord avec JPP puis comme directeur sportif de JGW). L’été dernier, avant de partir dans les Caraïbes, « comme un jeune homme pour une autre vie avec sa seconde épouse » (selon Gervais Martel), en fin placomusophile et partisan d’un football champagne, il écumait encore les brocantes du bassin minier à la recherche de la moindre capsule.

Depuis, il coulait des jours heureux, ragaillardi par les bons résultats du Racing, et par une activité prenante auprès des jeunes de Martinique. Un territoire qui l’avait rapidement adopté. Cette même île aux fleurs qui le gardera à jamais (ndlr : il a été inhumé à Fort de France). Là-bas où le gaucher subtil a discrètement dribblé une dernière fois les siens et les gamins des stages Raphaël Varane qu’il encadrait.

Aujourd’hui, si le « Grand » sommeille, sa longue silhouette sera toujours associée au stade Bollaert-Delelis. De là-haut, le « Grand blond » pourra reprendre ses longues discussions avec un autre grand homme de l’histoire du Racing, André Delelis. Un autre visionnaire.

Oui, l’exploit de 98, l’ami de Roger Lemerre l’avait annoncé ! Sûr de son jeu et de ses atouts. Au soir d’une large victoire des partenaires du regretté Marc-Vivien Foé face à Paris... Le sage camerounais qu'il vient donc de rejoindre à son tour.

Découvrez l'ensemble du dossier consacré à Daniel Leclercq dans notre magazine.

LM – Lens, le 26 novembre 2019