Louis Blériot, le « phare » de l’aviation naissante
C’est sans doute parce qu’il ne l’a pas connu vivant et qu’il porte le même prénom, que Louis Blériot « junior » a senti le besoin d’apprendre à le connaître. Il avait bien sûr entendu parler de son grand père dès son plus jeune âge, mais l’étape fondatrice de sa passion pour lui eut lieu à 5 ans lorsqu’il fit son premier vol en avion biplan, cockpit ouvert, sur les genoux de sa mère entre Buc et la Sologne où la famille avait une propriété.
Mais, c’est à ses 15 ans en 1959 qu’il a eu la véritable révélation. Lors du 50e anniversaire de la traversée de la Manche, Louis fut très étonné par la dimension de cette commémoration nationale placée sous le haut patronage du général De Gaulle.
Dès lors, même s’il se consacrera à ses études au sein de l’École Supérieure de Commerce de Paris, et travaillera dans la banque puis dans l’immobilier, il n’aura de cesse d’oeuvrer au devoir de mémoire de son grand père. Depuis la Bretagne où il vit désormais, il passera beaucoup de son temps à nombre de recherches, écrira des livres et organisera de nombreuses expositions.
Inventivité et esprit d’entreprise
Pour Louis, ce qui démarque son grand père de la plupart des autres pionniers de l’époque, c’est son inventivité. De 1897 à 1909, le chemin qui le mènera de Calais à Douvres n’a pas été un long fleuve tranquille. Il lui a fallu pas moins de onze « Blériot » avec à chaque fois de nouvelles avancées et inventions pour arriver à décoller du sol, puis réaliser un vol de quelques centaines de mètres et progresser ainsi vers le Graal : la traversée de la Manche en 37 minutes, le 25 juillet 1909. Louis a pu ainsi retracer le parcours semé d’échecs et de réussites qui ont fait de son grand-père, ingénieur centralien, un héros marquant des débuts de l’aviation.
Son épopée démarre avec le développement de l’éclairage automobile à acétylène. Il inventera ce qu’il appellera le « phare », nom qui est passé dans le langage commun. C’est ce qui fera sa fortune avec une large gamme de produits de qualité et lui permettra ainsi de financer et développer ses machines volantes.
Courage et détermination
Le deuxième trait de caractère de Louis Blériot l’aviateur est le courage. Et il en fallut pour voler sur un appareil de sa construction, inventer ce qui reste aujourd’hui encore l’appareil le plus important pour un aviateur, la cloche « Blériot », ancêtre du manche à balais, permettant de monter ou de descendre, de virer à droite ou à gauche. Entre 1907 et 1908, on le surnommait : « l’homme qui tombe toujours ». Ainsi, lors d’un vol d’essai sur le Blériot VI, alors que son avion avait décollé et volait à 25m de hauteur, le moteur tombe en panne. Aussitôt, l’avion pique du nez, menaçant de se fracasser verticalement. En une fraction de seconde, Louis Blériot sort de son siège et s’assoit à califourchon sur la queue de son appareil afin de le rétablir à l’horizontale par contrepoids. Le crash à plat le sauva, avec seulement quelques contusions.
Persévérance et ténacité
Enfin, troisième qualité, la persévérance. Onze prototypes de Blériot ont fait de lui l’aviateur et avionneur le plus célèbre de ce début de siècle. Charles Lindbergh demanda à rencontrer une seule personne après son exploit de la traversée de l’Atlantique, Louis Blériot, émouvante marque de reconnaissance absolue, dix-huit ans après sa propre traversée. Entre 1897 et 1934, il déposera plus de 165 brevets à l’INPI et la Première Guerre lui fera développer ses entreprises, avec la construction à la chaine d’avions de chasse, les « SPAD ». L’armistice de 1918 signée, les commandes d’avions s’interrompirent malgré le développement de nouveaux modèles plus puissants.
Il s’efforça alors de se diversifier afin de donner ainsi du travail à ses nombreux employés. Il se lança dans la construction automobile avec la Whippet et la célèbre moto Blériot mais aussi dans les bateaux et les meubles.
Dans les années 30, les difficultés s’accumulèrent avec moins de commandes. Le climat social difficile de 1936 n’arrangera pas la situation. Épuisé par le surmenage et les soucis, Louis Blériot s’éteint le 1er août 1936 à Paris, moins d’une semaine après le vote à l’Assemblée de la loi nationalisant ses usines. Pour son petit fils Louis, le travail de mémoire est un devoir.
L’espoir d’un lieu de mémoire
A son actif, de grandes expositions à Londres et à Paris, la tentative de rééditer l’exploit de son grand-père sur le même avion en 1989, le livre « L’Envol du XXe siècle » sorti en 1994 et récemment abondé par une nouvelle édition, le documentaire « D’un Blériot, l’autre » en 1998 et enfin le centenaire de la traversée de la Manche à Cambrai, grâce au concours de la Ville, bien sûr, mais aussi de nombreux bénévoles passionnés d’aviation et de Louis Blériot avec à sa tête, l’UAC et Philippe Mace.
Pour Louis « junior », le grand regret de ce centenaire est qu’au niveau national, ce fut la déception pour lui et sa famille. Par contre, Cambrai a largement compensé en réalisant une superbe exposition et de nombreuses animations. Il ne reste plus, but ultime nous a-t-il confié, qu’à espérer que le lieu de mémoire qui lui sera dédié à l’emplacement de sa maison natale, rue Sadi Carnot, voie le jour rapidement.
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J.-F. D. – Cambrai, le 9 juin 2021